J'enseignais le français à l'Université Carleton d'Ottawa, au Canada, pour un an. Entre les deux semestres de cours, je suis allé passer trois semaines à New York, et j'ai pu arpenter longuement les trottoirs de cette ville que j'avais déjà visitée à trois reprises, en 1988, 1992 et 1995.
Mon goût pour la photographie de type "reportage" en noir et blanc, dans la tradition des photographes humanistes, commençait à se préciser, et j'ai compris qu'il fallait, pour la pratiquer, passer beaucoup de temps dans la rue à la recherche du fameux "instant décisif", aller et venir sans cesse pour saisir les atmosphères, traquer la lumière, et regarder les gens.
La grande ville est propice à tous les fourmillements, et souvent les rues de New York sont le théâtre des activités les plus frénétiques, mais la solitude des êtres peut également s'y faire sentir de façon très perceptible. Les New Yorkais évoluent dans des paysages urbains souvent gigantesques et démesurés. Les rues et avenues, toutes tirées au cordeau (sauf Broadway et le "Village") dans les axes nord-sud et est-ouest, bordées dans certains quartiers d'immeubles vertigineux, forment d'immenses canyons dans lesquels coulent la lumière et les voitures.
On ressentait très nettement, dans les comportements, une énergie immense, faite d'ambition, d'optimisme et de méthode Coué, mais aussi de l'agressivité et de la violence - l'espèce d'instinct de survie individualiste qui est une des bases de la société américaine. Le tout formant une ville absolument unique et fascinante : New York.
De nombreuses confrontations avec la folie aussi : on croisait plus souvent qu'ailleurs, sur les trottoirs et dans les couloirs du métro, des êtres qui avaient complètement perdu la raison.
Ces photographies représentent autant d'arrêts sur image de New York avant le 11 septembre 2001. Les tours sont bien en place, et, de Central Park au pont de Brooklyn en passant par Times Square, Greenwich Village et le quartier des théâtres, entre drapeaux et publicités, luxe et misère, commerce et art, vie trépidante et vie paisible, il y a l'Amérique dans toute sa splendeur, dans tous ses excès, ses contrastes, sa générosité, ses ambiguïtés et, peut-être, ses doutes.